Les versants constitués d'argile à Leda dans la vallée de l'Outaouais sont susceptibles de causer des glissements catastrophiques. On a identifié les traces de plus de 250 glissements, petits et grands, récents et anciens, dans un rayon de 60 km autour d'Ottawa. Certains de ces glissements ont causé des morts, des blessures et des dommages matériels, et leurs effets se sont étendus bien au-delà du lieu de rupture du sol. Les glissements spectaculaires se produisent lorsque des sédiments sous la surface de vastes étendues de terrain plat proches de versants instables se liquéfient. Les débris peuvent parcourir plusieurs kilomètres, bloquant des rivières, inondant les terres, causant de l'envasement, polluant l'eau potable et endommageant les ouvrages. Les géologues et les ingénieurs en géotechnique peuvent délimiter les zones de glissement potentielles, tandis que le zonage approprié des terres et la construction d'ouvrages de protection peuvent réduire les dangers pour la population et les biens matériels.
Le saviez-vous ? Le glissement le plus catastrophique à se produire dans une argile à Leda dans l'est du Canada a eu lieu en 1908 à Notre-Dame-de-la-Salette (Québec), et a causé 33 morts.
Une recette désastreuse
Des dépôts d'argile à Leda, un matériau qui peut devenir instable, s'étendent sur de vastes secteurs de la région d'Ottawa-Gatineau. Ce type d'argile se compose de particules de la taille des argiles et des silts, produites par le broyage des affleurements par les glaciers, qui ont été entraînées dans la Mer de Champlain. En s'enfonçant dans l'eau salée, les particules se sont agglutinées en amas qui se sont accumulés sur le fond océanique pour produire des sédiments à structure lâche mais forte, possédant une capacité de rétention d'eau élevée. Après le retrait de la mer, les sels qui contribuaient aux liaisons chimiques entre les particules ont été lentement lessivés par l'eau douce s'infiltrant dans le sol. L'argile à Leda ainsi produite a une forte teneur en eau, et sa structure est faible; si elle est suffisamment perturbée, elle peut devenir « sensible » et se liquéfier. Les processus suivants peuvent déclencher des glissements : l'érosion fluviale, l'augmentation de la pression d'eau interstitielle (en particulier lors de pluies abondantes ou de fonte des neiges rapide), les tremblements de terre et certaines activités humaines comme les travaux d'excavation et de construction.
Ça décolle!
Lorsque la rupture initiale a arraché la croûte altérée plus dure, l'argile sensible se liquéfie, s'effondre et s'éloigne de la niche de décollement. Les ruptures se succèdent en faisant tomber, comme des dominos, des pans du terrain contre lequel s'adossait le versant. Les matériaux de surface, plus rigides, peuvent parcourir de grandes distances en « flottant » sur la boue liquide.
Lemieux, une collectivité « déménagée » par les glissements de terrain!
Des études géotechniques, amorcées après un vaste glissement de terrain le long de la rivière South Nation en 1971, ont permis d'établir que l'agglomération de Lemieux était située dans une zone susceptible de subir des glissements importants. C'est ainsi qu'en 1991 les résidents ont été relocalisés aux frais du gouvernement. En 1993, à peine deux ans plus tard, un glissement majeur a dévalé sur 17 hectares de terres agricoles situées près de l'ancien site de l'agglomération. En moins d'une heure, le glissement a parcouru, par ruptures successives, 680 m à partir des berges de la rivière. L'écoulement de la rivière a été bloqué pour plusieurs jours par des débris qui avaient glissé sur 1,7 km vers l'amont et 1,6 km vers l'aval. Les coûts associés à cet événement ont été évalués à 12 500 000 $.